En juin 2023, nous avons créé le premier volet de Spectres d’Histoire(s), autour de la Rade de Lorient. Nous nous sommes interrogés : comment ce territoire maritime nous a-t-il façonné, en tant que jeunes gens et jeunes artistes ? Qu’est-ce qui de l’Histoire commune s’est mêlé à nos histoires intimes ? Nous avons esquissé des réponses pluridisciplinaires, et proposé pour un temps donné de s'(e) r(é)approprier des lieux symboliques de l’Histoire maritime lorientaise.
Nous décidons de proposer une nouvelle édition de Spectres d’Histoire(s), toujours autour d’un élément du patrimoine maritime, et cette fois-ci bien plus secret, invisible et méconnu, bien que central : l’ancien Aqueduc de Lorient. Construit par la Compagnie des Indes, aujourd’hui partiellement détruit, nous n’avons pas résisté à l’envie de mener notre enquête, pour révéler les parties visibles de l’aqueduc et de son histoire tout en créant un nouveau récit sur ses traces fantômes. Car c’est ce qui est à la racine de notre métier d’artiste : créer une illusion avec du vrai, tisser un récit là où il manque. L’aqueduc possède ce qui est un terreau fertile pour Spectres d’Histoire(s) : une matérialité fantomatique, à la fois profondément présente et insaisissable, et dont nous voulons nous emparer.
C’est donc une question aqueuse que nous soulevons avec ce temps fort. Témoin continuel de l’Histoire, l’eau est au cœur des enjeux de chaque époque. Elle impose sa géographie, définit les paysages, elle est depuis toujours au centre de tout. Elle nous raconte comment les femmes et les hommes en tout temps s’organisent, ritualisent, vivent. A un moment où les questions liées à l’eau sont centrales dans l’actualité, se pencher sur un patrimoine oublié, presque disparu, nous permet de penser le présent et d’envisager le futur. Notre recherche autour du spectre de l’Aqueduc soulève ainsi des enjeux écologiques et sociaux, tout en posant la question de notre rapport à l’eau, d’un point de vue commun ou profondément intime.
Cette thématique globale répond aussi à nos envies de création : à l’honneur de cette édition, le spectacle Lavoirs, produit par la compagnie, pose la question de l’eau comme élément central dans l’organisation de la vie humaine. Nous voulons faire le pari, par le biais de Spectres d’Histoire(s), de valoriser le patrimoine des lavoirs lorientais en y inventant des moments de partage, afin de leur redonner leur fonction d’espace de socialisation. Cette édition sera aussi l’occasion de découvrir L’Eau Vive, fiction-documentaire autour des mythes de l’eau et des fontaines bretonnes, dont la création aura tout juste débuté lors de l’événement. Comme lors du premier format, nous mettrons en avant des artistes locaux, jeunes et moins jeunes, dans des domaines artistiques variés. Enjeux écologiques et politiques, place des femmes dans la société et dans l’imaginaire, fluidité des genres, spiritualités ancestrales, récits oubliés, sont autant de problématiques aqueuses que nous soulèverons à plusieurs voix, dans l’espoir d’apercevoir au loin, le spectre de l’ancien Aqueduc de Lorient.